


Accessibilité numérique : développement web et responsabilités

Peut-on aujourd’hui exercer uniquement en tant que spécialiste de l’intégration web ? Est-ce que ce métier existe toujours face à celui de dev front-end généraliste, censé tout savoir, tout maîtriser et tout livrer ? L’IA est-elle la nouvelle intégratrice dans l’équipe ?
Ces questions méritent d’être posées car derrière elles, se cache une réalité : la valeur de l’intégration web est maintenant minimisée et le métier est considéré comme dépassé, voire absorbé par d’autres fonctions. Pourtant, il reste au cœur de ce qui fait l’essence et la qualité du web.
Je vous donne mon avis sans filtre, à travers mon expérience personnelle (et quelques références que vous devrez trouver).
J’ai lu peu de livres techniques dans ma carrière mais s’il y en a bien un qui m’a marqué c’est le légendaire CSS 2 : Pratique du design web de Raphaël Goetter. C’est lui qui m’a initié à l’intégration web en 2006 et qui a accompagné mes débuts professionnels.
Pendant mes études, j’étais celui qui voulait faire du HTML quand tout le monde voulait faire du PHP. J’étais celui qui “faisait des classes” quand les autres faisaient de la mise en page avec des tableaux HTML. J’étais celui qui aimait CSS quand tout le monde le redoutait car tout pouvait s’écrouler avec un float ou un margin mal placé.
Là où certains faisaient de l’intégration web une discipline mystérieuse, bizarre et hasardeuse, moi j’y voyais un univers mêlant logique et esthétique de manière presque poétique.
Mon amour pour HTML et CSS n’a fait que grandir depuis mes débuts professionnels en 2008. De victoires en victoires, d’aventures aux combats, en maîtrisant le pouvoir de ces 2 titans originels je pouvais tout créer, tout structurer, tout mettre en forme. Du moins dans un navigateur.
Et comme nous étions peu à maîtriser cet art, notre expertise était rare et recherchée. Les portes des agences grandes ouvertes. Nous pouvions nous greffer partout, nous adapter à tous les projets, travailler dans tous les contextes. Nous étions efficaces et fiables.
Intégrateur / Intégratrice web, CSS Designer, UI Developer, Front of Front-End. Nous avions plusieurs noms, chacun·e son préféré. Notre métier était estimé, respecté, valorisé. Nous étions les spécialistes des interfaces web et le lien entre la direction artistique et le développement. On nous a d’ailleurs longtemps appelé le “chaînon manquant”, le “pivot” ou la “glue” tant nous étions utiles dans la collaboration Design / Dev.
Nous avons tout connu et tout traversé. Souvent avec les mains libres car peu avaient l’audace de vérifier la qualité de notre code. Nous avons créé une constellation de sites web, certains beaux mais inutiles, d’autres efficaces mais rebutants et quelques-uns suspendus miraculeusement avec des hacks CSS.
Il y a toujours eu un certain paradoxe dans l’exercice de l’intégration web. Notre goût pour les belles interfaces et notre sensibilité artistique nous a parfois mis dans une position de Designers frustré·es ou refoulé·es. De l’autre côté, la non maîtrise de certains aspects techniques nous a parfois positionné comme des Devs au rabais. Beaucoup d’entre-nous l’ont mal vécu, tentant une évolution de carrière à contre-nature.
Ce chaînon manquant évoqué plus haut s’est brisé au fil du temps. Et je l’avoue, j’y ai participé. J’ai même parfois refusé qu’on m’appelle intégrateur web car je faisais aussi du développement front-end.
Aujourd’hui l’intégration web est une expertise dévaluée, minimisée, invisibilisée.
J’ai toujours combattu l’idée de réduire l’intégration à des langages basiques et simplistes. HTML et CSS sont la matière première d’internet, ils étaient là avant nos débuts dans le web, ils seront certainement encore là pour notre dernier commit.
L’intégration web c’est de l’analyse, de la rigueur, de l’anticipation et même de l’industrialisation à l’échelle. C’est comprendre et structurer un contenu, respecter une intention graphique, assurer la compatibilité navigateur, optimiser le référencement naturel, garantir une expérience utilisateur. Bref, c’est une spécialité à part entière, pas une ligne anecdotique sur un CV.
Alors, l’intégration web a-t-elle déposé les armes ? Non,à mon sens. Elle a juste fini un arc narratif où elle n’a pas eu le rôle principal. Elle s’est isolée dans sa Forteresse de solitude et elle attend le calme.
La vérité, c’est que l’intégration a aujourd’hui plus que jamais des arguments solides pour exister :
Et enfin, il y a la meilleure alliée de l’intégration web : l’accessibilité numérique. Celle qui se sert à bon escient de la précision et de la robustesse de HTML et CSS. Celle qui remet la qualité de l’intégration au centre des attentions. Celle dont on aura toujours besoin tant que le web existera.
Parce que les frameworks ne sont pas éternels.
Parce que les librairies de composants se déprécient.
Parce que l’IA génère du code à partir de ce qu’elle apprend des humains.
Intégratrices, intégrateurs web, tenez bon et défendez fièrement votre expertise ! Personne ne saura faire mieux que vous avec autant de style et de classe.